Rencontre avec l’artiste féministe Mozzaika

Bonjour tout le monde, j’espère que vous allez bien ? Il y a quelques semaines j’ai eu le plaisir d’interviewer Mozzaika. Une talentueuse, chanteuse, actrice et chorégraphe d’origine algéro-française.

A propos de l’artiste – Mozzaika

Mozzaika est une artiste aux multiples talents. Elle voit l’art comme un langage universel, permettant de lutter contre les inégalités de genre.

J’ai l’ai découverte lors du Tour du monde féministe, en juin dernier. Elle interprétait une danse, qu’elle avait elle-même chorégraphiée et dont le but est de venir en aide aux femmes victimes de violences sexistes et sexuelles.

Durant cette interview on a parlé : de son parcours, de ses engagements et de ces choix artistiques.

L’interview

Pour commencer, peux-tu nous parler de toi ?

Je suis algéro-française. Je suis née à Alger et je suis venue en France à l’âge de 5 ans. J’ai grandi dans le sud de la France, près de Montpellier. A mes 18 ans, j’ai décidé d’aller vivre à Londres pour étudier la comédie musicale à l’Urdang Academy puis le théâtre de mouvement à L.I.S.P.A . Je suis restée un moment à Londres, puis j’ai voyagé à travers le monde.

Pourquoi Londres ?

C’était soit Londres soit New-York. Je voulais mélanger mes 3 arts, pour faire de la comédie musicale. Contrairement à la France, en Angleterre, il y a des ponts qui se créer entre les différents genres musicaux et cela permet de créer de nouveaux genres musicaux.

Quel a été ton parcours musical et plus généralement artistique ?

Je viens d’un milieu artistique, intello et militant. J’ai donc baigné dans le militantisme très jeune, mes parents étaient et sont toujours de fervents défenseurs des droits humains.

Mon père étant musicien, j’ai très vite été mise sur scène.

J’ai débuté la danse à 5 ans, puis à mes 8 et 9 ans je me suis mise au chant et au théâtre. Le chant a vraiment été pour moi une activité sérieuse vers mes 15 ans, lorsque j’ai intégré un groupe gospel. J’ai commencé à en vivre à mes 18 ans, quand j’étais étudiante. Je faisais partie un groupe de jazz et je chantais le soir et le weekend. Cela me permettait de poursuivre mes études et de payer mon loyer. Je joignais l’utile à l’agréable. Grâce à ce groupe j’ai pu effectuer une tournée européenne et c’est à ce moment que la musique à pris beaucoup plus de place dans ma vie.

Est-ce que tu écris toutes tes chansons ? Comment travailles-tu ?

Oui, j’écris mes chansons toute seule. Je travaille mes mélodies avec des producteurs, mais c’est moi qui écris mes textes.

Comment choisis-tu tes collaborations ? Comment s’est faite celle avec le producteur londonien DemDrums ?

Avec DemDrumn, ça c’est fait au feeling. Si la personne me touche, une connexion va se créer entre nous et cela va entrainer quelque chose de nouveau.

D’où vient ton inspiration ? as-tu des artistes qui t’inspirent ?

Mes inspirations proviennent de mon histoire. Je suis métisse algéro-française, je suis née dans un milieu assez privilégié. En pleine guerre civile, j’ai pu fuir l’Algérie pour venir en France car ma mère est française. J’ai vite pris conscience, que grâce à un bout de papier, on peut avoir de privilège.

Il y a beaucoup d’artistes qui m’inspirent. J’ai beaucoup de mentors. Mais, si je devais en citer 3, je dirais : Nina Simone, Billie Holliday et Bob Marley. Avec leurs musiques ils ont réussi à créer de réels espaces démocratiques, des espaces de débats et d’organisations. J’adore leurs musiques. Je m’intéresse à leur carrière mais aussi aux stratégies qu’ils ont mises en place. Pour moi, ils ont réussi à créer des nouveaux styles musicaux, profondément ancrés dans les mouvements politiques de leur époque.

Comment qualifies-tu ton style musical ?

(Rire) Un joyeux bordel (rire) . Je qualifie mon style d’éclectique. Un mélange de jazz, de hip-hop et de flamenco arabisant.

Je décris mon travail comme poélitic. C’est la contraction du mot poésie et politique, car mon ambition et de créer un nouveau mouvement, mélangeant la poésie et la politique.

Que ressens-tu lorsque tu chantes ?  

Tout dépend de ce que je chante. Sur scène je me sens chez moi. Quand je chante, je me sens bien. Transmettre une émotion par la voix, les mots ou par le mouvement c’est que du bonheur.

Tu es une artiste pluridisciplinaire : chanteuse, danseuse et actrice, si demain on te demandait de choisir, quelle discipline tu ne pourrais pas arrêter ? Pourquoi ?

J’ai toujours refusé de choisir entre les trois. Je suis atteinte d’endométriose et pour mon bien-être mentale, j’ai besoin des 3 arts ainsi que de l’écriture. Je ne peux pas arrêter d’écrire, mais je ne tiendrais pas sans mes 3 autres disciplines. C’est pour moi un équilibre.

Lors du 24 heures tour du monde féministe tu as effectué une danse pour venir en aide aux femmes victimes de violences, peux-tu nous en dire plus ? 

Ce n’est pas facile d’être une femme dans l’industrie musicale. Nous sommes souvent confrontées au sexisme. Donc avec Shingai (une superbe chanteuse avec qui on a eu un coup de fondre musical), nous avons eu l’idée de créer un hymne féministe : ‘My body is not a battlefield for revenge’. Cet hymne est accompagnée d’une danse, que j’ai chorégraphié. Au début, je voulais emmener dans cette aventure des femmes pour qui la danse n’est pas un métier, puis des militantes et différentes organisations féministes se sont montrées volontaires pour apprendre la chorégraphie. Je ne veux pas que cette chanson soit uniquement diffusée dans les clubs, je veux qu’on l’entende aussi dans les manifestations féministes.

En tant que femme, j’ai besoin de savoir me battre, j’ai regardé des tutos, mais pour moi il est plus simple d’apprendre des mouvements s’ils sont chorégraphiés. Cette danse est une arme pour se défendre.

Lien vers la chorégraphie et l’hymne féministe : https://www.mozzaika.website/project-statement

Pourquoi avoir écrit et décidé de chanter « ne me dis pas » sortie le 22 février dernier ? est-ce une revendication ? peux-tu nous en dire plus sur la genèse de cette chanson ?

En février 2019, il était très difficile pour moi de ne pas être à Alger, alors que les gens manifestaient dans les rues contre le gouvernement en place. Cela ne c’était pas passé depuis 30 ans. La date de sortie de « ne me dis pas » était donc un petit clin d’œil à cette manifestation passée.

Je suis métisse, ma mère est française, mon père est algérien et on m’a toujours mis dans des cases. Pour certains Arabes, ceux du Maghreb ne sont pas de vrais arabes. A Londres il y a très peu d’algériens, ils n’ont pas l’habitude de voir des Africains blancs, c’est différents de la France. Donc, je ne suis pas assez Arabe pour certains et trop blanche pour être une vraie Africaine pour d’autres. Avec « Ne Me Dis Pas » je dénonce différentes formes d’oppressions telles que le colorisme, le racisme, le sexisme, que peuvent subir les gens surtout ceux ayant une double culture. Pour ce clip, j’ai fait le choix délibéré de ne travailler qu’avec des artistes algériennes, cela permet les visibiliser et de montrer une autre facette de l’Algérie.

J’ai écouté tes sons et contrairement à beaucoup d’artistes qui n’osent pas s’exprimer, tu fais le choix de t’exprimer sur tes engagements, est-ce qu’en tant qu’artiste, tu considères qu’on doit forcément s’engager et s’exprimer sur des causes qui nous tiennent à cœur ?

Pour moi, tout privilège vient avec un devoir, mais je n’impose pas aux autres de s’exprimer publiquement sur leurs engagements. Je tiens néanmoins à souligner qu’il y a une différence entre les artistes et les personnes qui font du divertissement. Pour moi, les artistes ont une responsabilité. J’aime beaucoup cette citation de Jacques Brel :  » les gens qui parlent d’amour sont des gens qui n’ont rien à dire« . On vit dans un monde dans lequel il y a tellement d’injustices donc, chanter, écrire sur des choses banales c’est beaucoup trop facile pour moi. Je suis beaucoup plus touchée lorsqu’un artiste parle de sujets qui lui tiennent à cœur.

Depuis quand es-tu féministe ?

Depuis toujours, ma mère est une militante féministe très très très énervée ( rire). J’ai reçu une éducation féministe. Très tôt, j’ai été entourée de féministes nord-africaines car ma mère étant dans beaucoup de réseaux.

Tu te qualifies de Pan africaine, est-ce que tes différentes luttes vont au-delà de l’Algérie ?

Oui, carrément, mes luttes sont universelles. Mon engagement est lié au panafricanisme. Mon grand-père travaillait main dans la main avec des révolutionnaires comme par Frantz Fanon. Je crois fermement en l’union entre les pays africains.

Est-ce que tu peux nous en dire plus sur le projet «  Humans Unbordered » ?

C’est un projet que j’ai commencé en 2017. Il s’agit d’un album visuel et international en plusieurs chapitres et qui a pour thème : les frontières. Je collabore avec des artistes de différents pays. Le 1er chapitre, qui s’appelle « Voyage au monde de Pernambuco » s’est déroulé au Brésil. C’était vraiment génial . J’ai rencontré des artistes vraiment géniales, qui sont devenu des amis. Ce projet a pu aboutir grâce au crowdfunding.

Actuellement, j’écris un court métrage musical qui se passe en Angleterre. C’est un projet très ambitieux et très politique. J’aimerais que ce court métrage permette de fermer les centres de détentions des demandeuses d’asile. C’est pourquoi, il est très difficile de trouver des financements. J’aimerais ensuite poursuivre ce projet en Algérie, en France, au Mali et dans d’autres pays confrontés au problème des frontières.

Comment as-tu vécu le confinement et le manque de scène ?

Ce fut très dur aussi bien mentalement que socialement. C’est ce qui m’a décidé de rentrer en France. Quand je suis revenue, j’ai décidé de faire avec ce que j’avais. J’ai donc lancé mon EP et une vidéo. J’ai énormément travaillé les 6 derniers mois. Là, je recommence à rejouer et ça me fait du bien (rire).

Avec qui rêves-tu de faire un duo ?

J’aurais beaucoup aimé faire un duo avec Nina Simone ( rire) . Sinon, j’aimerais travailler avec Flying Lotus.

Qu’est-ce que je peux te souhaiter pour l’avenir ?

Tu peux me souhaiter le bonheur. Trouver manager en France. J’espère aussi que la situation sanitaire s’améliorera et que les salles de concerts ne refermeront plus.

Je tiens à remercier Mozzaika d’avoir répondu à toutes mes questions avec sincérité. Je lui souhaite vraiment que du bonheur. Avec son talent, je suis sûre et certaine qu’elle trouvera très vite un manager et qu’on entendra parler d’elle pendant très longtemps.

N’hésitez pas à faire un tour sur son site https://www.mozzaika.website/

Prenez soin de vous et gros bisous.

Rencontre avec l’artiste féministe Mozzaika

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *